Le premier contact avec cet album, c’est son visuel. La photographie a été réalisée une fois de plus par Ismael Moumin. On y devine Sage, Ambroise Willaume de son vrai nom, assis sur un fauteuil. Par un habile traitement, le visage est tordu dans un tourbillon, les membres sont rallongés, le corps est déraisonnablement travaillé et torturé. La posture assise annonce une attitude posée, réfléchie, tandis que le traitement prédit une tempête, là où le noir et blanc s’avère à la fois rassurant et intrigant.
On retrouve dans ce disque le piano omniprésent (à l’exception d’un titre, Time never lies, lors duquel Sage reprend la guitare) et les traitements sonores qui faisaient la particularité du projet épaulé par Benjamin Lebeau, moitié de The Shoes.
L’album renferme dix titres tout en nuances. Des ballades aux morceaux plus épiques, la voix de tête d’Ambroise Willaume s’aventure en terres inconnues et nous y emmène.
À l’exception d’Interlude tous les morceaux sont chantés, dans la langue de Shakespeare, comme lorsqu’il officiait au sein du groupe Revolver.
Interlude est un morceau minimaliste de piano. Une transition au sein même du disque, une parenthèse musicale. Une autre exception au sein de l’album – outre ce titre entièrement instrumental – réside dans un guitare-voix, suppléé par les cordes des musiciens de l’ensemble code avec lequel il a déjà eu l’occasion de se produire et enregistrer son premier EP. Time never lies est un trois temps rythmé par les pizzicati de la guitare électrique, des cordes et leur envolée au cours du morceau. Une pure valse au sein de laquelle le solo de guitare à l’envers donne l’impression que l’on peut remonter le temps. Le titre est sincère, la voix y est pure et presque écorchée, dans la plus simple réalisation.
Dans le même esprit, nous pouvons citer la chanson sur laquelle se clôt l’album, Eyes closed. Ceux qui ont vu Sage sur scène ont déjà pu l’entendre, notamment lors de son premier concert en tête d’affiche au Café de la Danse, à Paris, l’année dernière. Un trois temps aussi, et, cette fois, les percussions prennent parti et donnent de l’ampleur à cette complainte. La voix est doublée, réverbérée ce qui confère au titre un aspect abyssal.
Toujours du côté des ballades, c’est en expérimentant autour d’un son ridicule qu’est né Only children, basé sur un traitement synthétique. Son auteur s’en amuse même. Bien que le titre s’ouvre exclusivement sur le piano et la voix, il vient vite s’étoffer à l’arrivée du refrain. La voix toujours aérienne contraste avec les basses de la chanson. Elle s’éloigne, revient et nous enchante. Le pont est introduit par le violoncelle seul, et les cordes s’étoffent avant le break de batterie tourmentée, avant un retour à l’accalmie avec le refrain.
Fall in love with a friend s’ouvre crescendo dans un murmure, et ce sont les percussions presque tribales qui arrivent en premier. Le piano résonne alors que les cordes viennent rivaliser avec les sons électroniques, ces notes aiguës, retentissent comme un avertissement faisant écho aux paroles (« although they warned me long time ago »).
Don’t tell me pourrait être un titre de transition entre les ballades et les titres plus épiques. Inclassable cependant, il laisse une belle part aux percussions et aux nappes synthétiques où la voix semble s’effacer mais insiste inlassablement (« oh please don’t, please don’t tell me »). La chanson se clôt sur une multitude de sons hachurés en arrière plan.
One last star, était le premier vrai extrait à annoncer la sortie du premier album énomyme de Sage. Paru en janvier dernier, il a mis en garde le public quant à la teneur de l’album. C’est aussi le titre qui ouvre le disque, un bourdonnement crescendo, puis le piano et la batterie de concert. Rythmée et entraînante, elle s’impose dès les premières notes. Comme chacun des dix titres, elle puise sa force dans sa mesure, toujours dans l’équilibre entre le minimalisme suffisant et l’étoffe de sons multiples. August in Paris est le single de l’album pour lequel un clip est sorti quelques jours avant l’album. Tourné dans la Villa Noailles à Hyères, il instaure une ambiance intrigante, et confère à la chanson une nouvelle dimension. Le titre évoque la capitale désertée de ses habitants l’été, la musique s’en ressent, la basse est prononcée et lourde, les percussions sont tranchantes, la voix résonne comme dans des rues vides: l’atmosphère qui s’en dégage est orageuse, comme un été à la fois lourd et frais.
Enfin, Focus, avant-dernier titre de l’album serait à la fois l’apogée de ce disque dans l’emploi des percussions, mais aussi une parfaite liaison entre In Between et Eyes Closed, deux titres plus posés. Cependant, la force du titre réside entre la voix aérienne et la rapidité des percussions. Les phrases sont lentes alors que les claps sont répétés rapidement.
De ces dix titres si différents les uns des autres, il nous reste une douce impression. La voix enchanteresse de Sage sait se fondre dans tous les paysages qu’il propose. Des étés orageux aux confidences intimistes, ce premier album est un délice pour les oreilles.
Reste à savoir si la scène saura offrir à ces titres un nouvel écrin, Sage sera sur scène très bientôt, de Paris (fin mars) à Saint Étienne (fin mai), il passera forcément près de chez vous.
Un immense merci à Clémentine @ Label Gum
Photos – Ismael Moumin