Benoît Dorémus n’est pas un chanteur comme les autres. Peut-être le seul et unique héritier d’une certaine tradition de chanteurs français, il est de ceux qui se livrent avec honnêteté et simplicité, de ceux que l’on retrouve comme un ami ou comme un frère, avide de savoir ce qu’il est devenu.
Il faut un certain don pour dessiner en chansons les tranches de vie quotidienne dans lesquels tout un chacun pourrait se reconnaître. De Marque ton stop (comme quand c’est elle qui conduit), aux évocations du parc George Brassens sous la neige, en passant par Lire aux chiottes ou les Laura qui s’en vont, le conteur artisan construit chaque titre avec amour et humour, assemblant les mots comme d’autres posent de la faïence, chantant à peine pour mieux laisser la primeur aux histoires.
Des histoires universelles qui lui ressemblent, histoires de cœur avant tout – d’où le titre, qui n’est celui d’aucune chanson -, tendres et parfois cabossées avec toujours, le sens du phrasé comme de la formule (« Tu verras que les artistes, c’est des bêtes à chagrin ») et cette plume, insolemment talentueuse et poétique. A l’instar de Renaud, la langue empreinte au populaire mais la diction de son argo, comme sa voix ou l’intention, sont si jolies que ce n’est jamais vulgaire. Des histoires qui sont les siennes et le déshabillent depuis son premier disque, donnant à ceux qui le suivent cette impression de journal intime et de proximité, de familiarité. « Voilà les nouvelles », semble nous dire Benoît Dorémus dans cette sorte de mise en abîme, « dans l’expression de soi et dans la rage », à la manière d’Eminem dont il se revendique souvent.
Niveau musique, les petites guitares sont toujours la colonne vertébrale de ces nouvelles compositions. Elles s’offrent cependant des coquetteries ici et là ; parfois des synthé, parfois des quatuors de cordes, parfois encore des cuivres. Les styles sont mélangés, avec cet attachement à essayer toutes les formes possibles selon les chansons.
Après Renaud, Bénito est désormais adoubé par Souchon (« Tu la croyais grande et ce n’est qu’une toute petite vie »), Maxime le Forestier (Ton petit adultère) ou encore Cabrel (qui lui a franchement remis le pied à l’étrier pour cet album). Et s’il est leur digne successeur dans l’esprit, Dorémus garde son style bien à lui, revendiquant une certaine modernité.
Car finalement non, cet album, synthèse de toutes les envies, n’est ni de la chanson ni du hip hop, ni même du slam : c’est du Dorémus, qu’on aime tel quel il est. En 2016 encore. Et définitivement.