Noyades débute. Ils sont bons. Je veux dire, ces bons hommes possèdent un vrai style. Regardez le guitariste. Cette frange saillante qui traverse son visage, réponse sans pareil aux crissantes exhortations qu’il arrache à sa guitare. Observez le bassiste. Matez cette tignasse qui se balance, ce leste ballotage de touffe, cette dantesque distribution de coups de basse qu’il envoie sans même frémir, paradant sans ampli. Mirez le batteur. Cette suite féline de frappes difficiles, propulsant habilement cette riffaille délétère façon boule d’hydrogène aux confins même d’une galaxie tranquille de jovials branleurs.
J’aime cela. C’est exquis. Nulle parole n’est requise, les trois s’enfoncent dans le tas et bravent la quarantaine de minutes qui leur est accordée en déroulant sans attendre une droite ligne démesurément vivante d’absolus principes d’Existence. Quelques détails à régler – ne conserver que l’essentiel, une basse branchée sur un véritable ampli, un lieu propice au bordel le plus total – et ces jeunes gens vont cartonner.
Wall/Eyed suit. Cela me fait penser à une main détendue. Une douce poigne qui déborde de bonbons. J’adore les bonbons. Cette merde est sucrée, irradie d’une pleine sérénité et n’est en aucun cas surprenante. Il en est de même pour la musique des quatre parisiens.
Cela ne représente pas plus qu’un soupir dans une bourrasque, et pourtant, je ne puis qu’être singulièrement sensible à ces mélodies de minet, noblement troussés. Ces suites de notes diablement efficaces, qui appellent le soleil, ce genre de lumière irisée qui frise les images, brouille la pensée et laisse les idées s’évider dans un paisible torrent d’oubli.
Cosmic Dead termine. Mes souvenirs sont diffus. Seul reste l’impression d’une gigantesque boule de feu, impérieusement écrasante, un souffle luciférien, une exaltante torpeur, la sensation de rentrer tête la première dans un immense fracas, un profond bordel de larsens, dans l’esprit un petit peu définitif de Terminal Cheesecake : provoquer ravage et terreur sur l’ensemble du territoire par une paire de morceaux outrageusement déraisonnables, dépassant allègrement la demi-heure, déployant une espèce de psychédélisme abominablement plombé par une collection de riffs malades, fiévreux et délirants.
Les anglais termineront sur une longue descente en rappel, sorte d’improvisation peut-être un peu dispensable, mais auront eu en tout cas l’élégant mérite d’avoir littéralement carbonisé un dimanche soir – période de la semaine plus habituellement propice à la tristesse la plus poisse.
Crédits photo : Cédric Oberlin