C’est la première fois qu’ils viennent en Alsace. Ce matin même, Kyle Eastwood évoquait son amour pour la France, partageant sa vie entre New-York et Paris. Gary Peacock, lui, expliquait adorer ce côté authentique et naturel du château… au grès de La Petite Pierre. Au village depuis quelques jours déjà, Gary aime s’imprégner du lieu où il se produira.
Ce 8 août est une soirée à l’Américaine. Tous deux contrebassistes, Eastwood et Peacock ne jouent pourtant pas dans la même cour. L’un paraît expérimental, touche-à-tout, l’autre respire la sérénité, l’âge aidant. Les deux ont une directive bien précise, celle du temps. Leurs musiques semblent intemporelles.
Kyle Eastwood Quintet
Interroger l’une des spectatrices sur la venue de Kyle sur ce festival, c’est avoir pour réponse un large sourire jusqu’aux oreilles qui nous traduit tout : son charisme. En le regardant jouer, c’est un peu voir son père. Kyle n’est autre que le fils du réalisateur connu et reconnu, Clint Eastwood. Même regard, même présence. Dans une seconde partie de la soirée, Kyle présentera au public Honkytonk Man, une réalisation du paternel sur une histoire d’un guitariste de country durant la Grande Dépression. Kyle était alors âgé de 14 ans. Il y tenait l’un des rôles principaux en compagnie de son père jouant l’oncle Red.
Il est 17h10 quand Kyle et ses musiciens montent sur scène pour défendre Timepieces, dernier album paru en début d’année. Tout y est : du soleil, de la bonne humeur, de la fraîcheur tout ça dans un village en pleine forêt, Place Jerri Hans, autant de qualités sur lesquelles Kyle alterne contrebasse et basse. En concert, le morceau Bullet Train crée une ambiance festive. En reprenant des reprises d’Herbie Hancock ou d’Horace Silver, Kyle disait lors de la sortie de l’album: “Ce que je voulais faire avec cet enregistrement, c’est payer ma dette pour le jazz des années 50 et 60”. Mission accomplie.
Kyle Eastwood, c’est du jazz mélange lyrique/groove. Entre le cinéma et la musique, il a trouvé sa voie. Sa contrebasse ne vous dira pas le contraire. Letters from Iwo Jima aura retenu toute notre attention. En reprenant la chanson tirée du film du même nom réalisé par Clint, Kyle le fils montre qu’il sait également exceller dans les musiques de film. Nous ne pouvons que l’encourager dans cette direction. Pourquoi pas, une future bande originale d’un film entièrement écrit et composé par Kyle, lui seul ?
Gary Peacock Trio
Interroger l’un des bénévoles du festival, c’est s’entendre dire : ”Peacock est une légende. Ne le dérangez pas quand il travaille”. On nous aura prévenu ; on ne dérange pas un artisan qui façonne son art. Nous avons eu l’occasion d’assister à l’une des balances du trio, juste avant le concert. Dernières mises au point lumière… Derniers ajustements sur les instruments… Gary Peacock est exigeant. Exigeant pour fournir une qualité, une musique à la hauteur du groupe pour le public venu assister au concert.
Gary Peacock fête ses 80 ans cette année. Sur scène, il est avec Marc Copland au piano et Mark Ferber à la batterie. En abordant son âge, il dit ralentir la cadence. Pour mieux vivre l’instant présent. Ce soir, c’est son unique concert en France. Aucun doute, le trio affiche complet.
Il est 21h05, ça commence. Les performances de Gary Peacock c’est une musique qui se vit. À l’instant présent. Elle respire autant que le petit vent qui nous chatouille les côtes. Tout le long du concert, Gary nous a semblé être une part de mystère. On aurait aimé se faire petite souris, se faufiler dans sa contrebasse pour en découvrir davantage sur ce personnage, l’aura qui l’entoure.
L’année dernière, une chenille s’invitait sur le micro de Michel Portal en plein concert. Gary Peacock, lui, a attiré les papillons de nuit. Faut-il y voir un signe ?
Écouter Gary Peacock, c’est reconnaître son talent du haut de ses 80 ans. En délaissant pendant une dizaine d’années la musique pour étudier la philosophie zen et la biologie, le contrebassiste a su tirer parti de ses expériences personnelles pour les transposer dans sa musique ; la sérénité. C’est tout naturellement avec l’âge que sa musique dégage une certaine maturité. Et on l’apprécie.
La soirée ”Double Bass” se concluait sur la projection de Honkytonk Man au 35mm, cinéma plein air présenté par Kyle Eastwood. On ne pouvait rêver mieux. C’est vrai ça, après tout, il n’y a pas d’heure pour la musique…
Crédit photos: Léna T.